samedi 21 février 2009

Peut-il exister une défense Européenne sans armée ?

Pourrions-nous faire entendre la voie de l’Europe économique sans l’Euro ? Non. Aurions-nous pu réagir ou seulement exprimer notre position sur la crise actuelle si notre monnaie de référence était le dollar ou si l’Euro était lié (indexé) à la monnaie américaine? Non. Nous sommes tous obligés de reconnaitre que l’Euro a été notre arme de défense et d’auto défense. Il faut le dire et ne pas l’oublier. (cf. Les institutions européennes au service du monde? ).

Comment peut-on faire, maintenant, l’erreur en termes de défense de vouloir faire réintégrer à la France le commandement de l’OTAN ? La France doit garder son indépendance jusqu’á que l’Europe soit capable d’acquérir la sienne. La défense Européenne doit être indépendante et n’a pas pour vocation de former un bloc euro-américain. Elle ne peut être ni sous tutelle (commandement), ni dépendante de l’OTAN. Alliée oui, intégrée non ! Les actes symboliques n’ont de sens que s’ils sont forts et défendables. L’intégration de la France dans le commandement de l’OTAN est un symbole fort, de renoncement à notre indépendance, et un message clair pour l’ensemble du monde que la défense européenne se fera désormais dans le cadre de l'OTAN, c'est-à-dire sous autorité américaine. C’est une erreur historique.

Ces dernières années nous avons bien vu le peu de marge de manœuvre laissée par les Etats-Unis à l’Europe (Politique en Iraq et au Moyen Orient). Sur les décisions d’intervention ou de non intervention, nous sommes consultés, rarement écoutés. Si nous sommes en désaccord, nous sommes relégués au simple rôle d’observateur. Lors de la reconstruction et de stabilisation de la paix nous sommes toujours étroitement associés afin d’assurer une part des financements !
Lorsque nous sommes alliés et partie prenante d’une action militaire, les armées américaines sur le terrain ne nous laissent que peu de place et parfois en oublient même les règles élémentaires du respect.

Je me rappelle le récit d’un parlementaire français revenant d’une visite d’observation pendant le conflit dans les Balkans. Un régiment de Tarbes (Hautes Pyrénées) venait de planter difficilement ses tentes, en Albanie, sous la pluie, sur un terrain boueux à la limite du praticable. Avec acharnement et volonté, les soldats français venaient de terminer la mise en place de ce qui allait devenir leur camp de base pour de nombreuses semaines pour mener à bien leur mission humanitaire d’assistance aux réfugiers du Kosovo..
Les alliés américains dans un souci de montrer leur suprématie et de marquer le terrain, décidaient de faire atterrir leurs hélicoptères en survolant le camp français à une altitude « non justifiée ». Ce survol de bienvenue eut l’effet escompté de détruire, en quelques minutes, l’ensemble du camp de toiles du régiment français ! Humiliation, non respect, domination. Quelles marges de manœuvres avaient nos soldats pendant ce conflit ? Quel pouvoir de décision et d’action avions-nous?
Les troupes françaises et européennes ont des moyens limités et sont inaudibles. Pourtant elles sont présentes sur l’ensemble des conflits mondiaux et autres opérations d’interpositions et de paix. Elles sont souvent utilisées dans les opérations les plus pointues et les plus risquées. En effet nos armées sont reconnues comme professionnelles et avec une haute expertise technologique.

Depuis 10 ans l’Europe a commencé à construire les fondations d’une armée commune et les instances nécessaires à notre défense.

D’une part nous disposons du conseil de l’Europe (47 pays membres) dont l’objet est de favoriser en Europe un espace démocratique et juridique commun, organisé autour de textes fondamentaux comme la Convention européenne des droits de l'homme et des institutions comme la cour de justice pour la protection de l'individu. Mais ce n’est pas la stricte Union Européenne, le périmètre des pays membres est plus large et il sera certainement encore plus complexe d’acquérir et de mettre en commun les moyens nécessaires à la création d’une armée. Mais c’est 47 pays forment un bloc cohérant qui pourrait assurer la garantie de paix, d'abord, entre les pays membres et de regrouper les forces nécessaires à l’heure d’un conflit majeur. Le problème de la georgie a montré les prémices d'une entente et les limites de l'exercice.

D’autre part l’UE (27 pays) s’appui sur : le Conseil européen, instance dotée d’organes politiques et militaires permanents (Comité politique et de sécurité, Comité militaire, Etat major) et sur l’Eurocorps. Cette unité est plus symbolique que stratégique. C’est un ambrion d’armée Européenne, mais pas encore une armée structurée et suffisamment équipée pour prendre part, seule, à un conflit majeur ou à une opération de paix. Où sont les sous marins nucléaires Européens? Qu’elle est notre force aéroportée ? Sur combien de navires pouvons nous compter? En combien de temps serions nous opérationnels pour un conflit majeur d’auto défense ou d’interposition? Pourquoi n’arrivons nous pas à finaliser la construction du gros porteur A400M ? Pourquoi ce projet clef dans notre stratégie de défense est constamment retardé? La réponse est simple, nous manquons d’une volonté et d’une stratégie commune sans faille et d’un budget spécifique pour notre armée européenne. Actuellement notre défense européenne repose sur la superposition d’autant de politiques et de stratégies que d'Etats et sur le manque évident d'un budget supra national.

La déclaration du Conseil du 8 décembre 2008 sur le renforcement des capacités de la politique européenne de sécurité et de défense, commence à apporter des réponses à ces questions mais nous montre aussi le chemin qu’il nous reste à parcourir avant d’acquérir les moyens de notre défense.
« Pour faire face aux défis de sécurité actuels et répondre à de nouvelles menaces, l’Europe devrait être effectivement capable, dans les années à venir, dans le cadre du niveau d’ambition fixé, notamment le déploiement de 60 000 hommes en 60 jours pour une opération majeure, dans la gamme d’opérations prévues dans l’objectif global 2010 et dans l’objectif global civil 2010, de planifier et de conduire simultanément une série d’opérations et de missions d’envergures différentes : deux opérations importantes de stabilisation et de reconstruction, avec une composante civile adaptée, soutenue par un maximum de 10 000 hommes pour une durée d’au moins deux ans ; deux opérations de réponse rapide d'une durée limitée utilisant notamment les groupements tactiques de l'UE ; une opération d'évacuation d’urgence de ressortissants européens (en moins de 10 jours) en tenant compte du rôle premier de chaque État membre à l’égard de ses ressortissants et recourant au concept d’État pilote consulaire ; une mission de surveillance / interdiction maritime ou aérienne ; une opération civilo-militaire d'assistance humanitaire allant jusqu’à 90 jours ; une douzaine de missions PESD civiles (notamment missions de police, d’état de droit, d’administration civile, de protection civile de réforme du secteur de sécurité ou d’observation) de différents formats, y compris en situation de réaction rapide, incluant une mission majeure (éventuellement jusqu’à 3000 experts), qui pourrait durer plusieurs années. Pour ces opérations et missions, l’Union européenne a recours, de façon appropriée et conformément à ses procédures, aux moyens et capacités des États membres, de l’Union européenne et, le cas échéant pour ses opérations militaires, de l’OTAN. »

Dans la situation actuelle, nous ne sommes pas capables d’intervenir seuls, sans les Américains. Le seront nous un jour ? Notre capacité d’action est réduite au strict minimum : suivre ou se taire. Nous opposer ou nous interposer nous est impossible. L’Europe ne peut pas défendre ses positions (politiques et militaires) sur des conflits internationaux. Serions-nous capables de repousser une agression directe de la Russie sur un pays membre du Conseil de l’Europe? Pourrions-nous intervenir seuls si un conflit éclatait sur l’une des frontières de l’UE? Pouvons-nous nous interposer lors des massacres récurrents en Afrique? Serons nous capables de garantir la sécurité et la paix dans l’Union Pour la Méditerranée (UPM) ?

Il est temps que les armées Européennes s’unissent. L’armée des Europeos doit naitre. Nous devons la doter de moyens significatifs (financiers, matériels, humains, etc), avec un budget autonome. Le Conseil de l’Europe doit être l’instance qui regroupe les pays de la grande Europe, mais l’UE doit avoir ses instances propres et son commandement indépendant. En aucun cas l’UE ne peut dépendre de l’OTAN, de la Russie, de la Chine.
L’Europe a son histoire, sa culture, sa force (en terme de population) sa politique économique, sa monnaie. Maintenant elle doit avoir son armée pour assurer son avenir politique et économique et défendre ses principes de liberté et de démocratie. L’Europe doit avoir les moyens de défendre seule son intégrité et ses principes avec une diplomatie forte, une armée dissuasive et stratégiquement opérationnelle, un commandement unique, reconnu et centralisé.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il faut vous présenter aux élections européennes. Avec votre tchach vous serez élu !

Michel Durrieu a dit…

C'est une excellente idée! Je pense qu'il faut des candidats européens et qui parlent. C'est bien l'objet de ce blog. Merci pour vos commentaires. Mais voterez vous aux prochaines européennes de juin?