lundi 16 mars 2009

L’injustice intergénérationnelle va créer un conflit entre Europeos.

La situation économique actuelle masque et fait oublier l’un des problèmes majeur des 50 prochaines années. Nous sommes absorbés par la crise financière maintenant devenue économique et sociale. Mais le mal profond de notre société et de notre modèle économique reste toujours sans réponse : comment allons nous financer nos retraites et comment allons-nous gérer une population d’Europeos vieillissante? Pouvons-nous avoir la même approche dans tous les pays de l’union? Existe-t-il un risque de conflit "intergénérationnel"?

Depuis toujours notre lutte a consisté à essayer de réduire le temps de travail hebdomadaire et à garantir un âge de départ à la retraite. La réduction du temps de travail devait permettre d’augmenter la qualité de vie pendant la vie active. La retraite devait permettre aux travailleurs de profiter de quelques années de repos bien mérité.

Mais plusieurs contraintes nouvelles (démographiques et géoéconomiques) sont apparues sans que ne soient remise en cause les acquis, ni repensés leurs financements afin de les rendre pérennes.

Durant les 30 dernières années et en particulier lors des dernières crises pétrolières et/ou sectorielles certaines décisions ont été prises afin de donner une réponse immédiate à un problème socio-économique sans pour autant se poser la question de l’impact pour les générations futures.

Comment pouvons-nous maintenant garantir l’équité entre les générations ? Sur les derniers siècles la question ne se posait pas, chaque génération portée par la croissance pouvait garantir à la suivante une qualité de vie et de « travail » meilleure. De 70 heures de travail hebdomadaire à 35h, de quelques jours de repos par an à plusieurs semaines de congés payés.

La productivité a augmenté du fait, de l’industrialisation, d’une éducation devenue universelle et de plus haut niveau, d’une forte croissance de la demande, de la modernisation et de l’informatisation de l’outil de production, de la création et de l’augmentation des services, etc. Elle nous a permis d’évoluer vers une société plus juste, plus sociale, avec une protection et des garanties pour tous. Il ne faisait aucun doute que ces acquis l’étaient pour la vie !

Malheureusement la situation semble s’inverser, nous sommes à l’aube d’un conflit « intergénérationnel ». D’une part nous avons la génération des plus de 60 ans (en 2009) qui ont eu, et ont droit, à une couverture sociale et un revenu minimum et qui sont partis ou partent actuellement à la retraite dans des conditions décentes. D’autre part la génération des moins de 40 ans. Ces derniers se demandent dans quelles conditions ils vont devoir travailler et ce à quoi ils auront droit à la fin de leur vie active. Ceux qui ont entre 45 et 60 ans se posent la question de savoir, quand se produira la rupture ? Auront-ils la chance de profiter du système avant son extinction? Auront-ils suffisamment capitalisé?

Les 60 – 70 ans vivent maintenant plutôt bien. Les retraites sont versés, les soins sont assurés et remboursés. Habituellement ils ont pu constituer pendant leur vie professionnelle un capital minimum pour survenir à leurs besoins. Ils ont pu offrir une éducation meilleure à leurs enfants et un cadre de vie privilégié. (Bien sur certains n’ont pas cette chance, mais l’on peut considérer que c’est une minorité qui peut encore être aidée). A cet âge (certains moins de 58 ans !!), ces jeunes retraités peuvent profiter de leurs loisirs, voyager, reprendre leurs études, avoir une vie associative, profiter de leur conjoint et de leurs petits enfants, etc. Une étude de l’INSERM CEPIDE montre que le zénith du bien être est actuellement dans cette tranche d’âge entre 65 et 70 ans. L’espérance de vie étant supérieure à 80 ans, ils peuvent espérer profiter de 15 à 20 ans de bonheur.

Mais attention le conflit viendra des moins de 45 ans (en 2009). On leur demande de prolonger leurs études, « pour s'assurer un emploi », ce qui retardera d’autant leur départ à la retraite. Ils doivent et devront travailler plus pour gagner plus. (C’est notre président qui le dit et c’est en opposition avec les générations précédentes qui devaient travailler moins pour vivre mieux). On les obligera aussi à travailler plus longtemps afin d’assurer les retraites et les soins des générations précédentes qui ont de grande chance d’avoir une espérance de vie qui dépassera les 90 ans !!

Si l’on affine l’analyse en prenant en compte le ratio actif / non-actif la situation est encore plus préoccupante. Chaque jour, en proportion, le nombre d’actifs diminue face à celui des non-actifs. Les actifs devront donc être plus productifs afin de compenser le déficit et couvrir les dépenses croissantes de nos couvertures sociales. Si on couple ce besoin de financement de l’état à la pression exercée par le monde financier, qui cherche encore à accroitre ses bénéfices, l’augmentation de productivité nécessaire ne pourra être possible que par une régression des acquis et de la qualité de vie des Europeos. Les nouvelles technologies ne permettent pas, pour l’instant, d’envisager un gain suffisant de productivité afin de couvrir ces attentes. Il nous faudra donc travailler plus pour vivre moins bien…

Pour ceux qui sont nés après 1960 la situation est la suivante: études longues, conditions précaires, salaires moindres, endettement lourd du fait de la spéculation immobilière, chômage et carrières chaotiques, conditions de travail dégradées, date de la retraite repoussée. On nous demande de travailler plus pour ne pas perdre en pouvoir d’achat et de travailler plus longtemps pour garantir celui de la génération précédente, selon le principe d’une chaine de solidarité infinie.

Cette situation est insoutenable. Nous sommes obligés de parler d’injustice entre générations et de nous poser certaines questions fondamentales.


Quel cadre allons-nous définir en Europe pour financer et garantir la qualité de la vie active et la dignité des jeunes et des moins jeunes ? L’Europe peut elle laisser aller la souffrance des jeunes, alors qu’elle devrait chercher les moyens d’y remédier. L’Europe devra garantir les acquis et les rendre accessibles à tous afin qu’il n’y ait pas de disparités entre Europeos. Si elle ne le fait pas la crise intergénérationnelle sera aussi à l’origine d’une crise sociale européenne qui pourrait être la cause de l’effondrement de l’Europe économique et politique. L'Europe sociale est indispensable à notre équilibre futur. Il nous faut assumer la non anticipation et par conséquent la non gestion des générations précédentes. Il nous faut réfléchir sur un cadre de vie et de travail qui ne soit pas basé sur la dégradation des conditions du citoyen Europeos. Dans mes prochains articles je me propose d'apporter quelques idées et réflexions sur l'évolution de notre cadre de travail et sur les conditions de nos retraites.